• Petit guide pour la Sainte Lucie !

    Petit guide pour la Sainte Lucie !

     

    Aujourd'hui, je vais écrire un article afin de vous souhaitez à toutes et à tous une très bonne et joyeuse Sainte Lucie ! Et, au passage, je vais vous en apprendre un peu plus sur cette dernière et sur sa fête dans ce petit guide qui vous inspirera peut-être pour l’année prochaine. Mais, vous me connaissez, je ne traiterai pas de l'hagiographie mais de la personne réelle qu'aurait pu être la vierge martyre, Lucie de Syracuse, qui a donné son nom à la fête, célébré le jour de son martyre, tous les 13 décembre.

     

     

    Petit guide pour la Sainte Lucie !

     

     

    Tout comme pour sa consœur Barbara d'Édesse, on sait très peu de choses sures sur Lucie de Syracuse, autre sainte de l'Avent que l'on célèbre aujourd'hui et qui forme une triade avec Nicolas, évêque de Myre, que l'on a célébrer le 6 décembre.

     

     

     

    Petit guide pour la Sainte Lucie !La plus ancienne attestation du culte de cette sainte est une inscription datant de l'an 400, retrouvée en juin 1894 dans la catacombe Saint-Jean de Syracuse, en l'honneur d'une matrone chrétienne dénommé Euschia, qui mourut le jour de la Sainte Lucie : « A Euschia l'irréprochable, qui, honnêtement et noblement, vécut plus ou moins 25 ans. Elle mourut le jour de la fête de ma Dame Lucie pour qui il n'est pas nécessaire de prononcer l'éloge, chrétienne fidèle et parfaite, agréable à son époux pour toute sa grâce et affable. » Ce qui démontre que, dès la fin  du IVe siècle, un culte, au moins local, s'est développé, même si son premier martyrium, lieu où furent déposés ses reliques, ne vit le jour qu'au Ve siècle. Le premier document a évoqué son martyr, les Actes des Martyrs, datent également de la fin du Ve siècle. C'est là que l'on trouve la forme la plus ancienne de sa Passio sans les rajouts effectués entre les VIe et VIIe siècle avec la diffusion de son culte en Europe ; celle-ci est fortement inspirée par celle d'Agathe de Catane, qui fut probablement rédigée à la même période, et a tout du roman hagiographique. Lucie y est présenté issue d'une bonne famille de l'aristocratie sicilienne, d'ascendance romaine par son père, fidèle d'Agathe de Catane et vierge, qui, a donné ses biens aux pauvres et subit le martyre lors de la grande persécution de Dioclétien, le 13 décembre 304, peu de temps avant l'abdication de l'auguste d'Occident Maximien, le 1er mai 305.

     

     

     

    Ce qui ne veut pas dire que certaines informations de sa Passio ne contiennent pas des informations historiques nous permettant de retrouver qui fut la véritable Lucie de Syracuse.

     

    Petit guide pour la Sainte Lucie !Il faut d'abord savoir que le Christianisme n'apparaît en Sicile qu'au début du IIIe siècle, mais, vers 250, ainsi qu'en atteste une lettre envoyée de Rome à Cyprien, évêque de Carthage, l'église de Sicile semble déjà être assez organisée et liée à Rome pour subir la persécution de l'empereur Dèce (250-253), tel qu'en atteste la Passio d'Agathe de Catane, et en subir les conséquences avec relapses, ceux qui ont abjurés leur foi, et des lapsi, ceux qui n'ont pas cédé. Peut-être existait-il déjà un évêché à Syracuse mais on n'en a pas trace d'un évêque avant sa convocation par l'empereur Constantin pour le concile d'Arles en 314. De plus, l'île se distingue par la présence importante de figures féminines de sainteté.

     

     

     

    Il est fort probable tel que l'affirme sa Passio que Lucie soit né dans la prestigieuse cité de Syracuse vers 283 et qu'elle fut une membre du sommet de la hiérarchie romaine, celle des honestiores, les puissants, sa famille ayant une situation aisée. Son père aurait même pu être un descendant des sénateurs romains venus s'établir sur l'île entre le IIIe siècle av. J.-C. et le IIe siècle ap. J.-C. et sa mère, qui a le nom grec d'Eutychia, une descendante des grands propriétaires (latifondiaires) grecs qui géraient leurs domaines pour eux, gardant ainsi le pouvoir sur l'île. Petit guide pour la Sainte Lucie !Ses parents devaient probablement posséder de grands domaines agricoles (latifundia) soit sur la côte orientale de l'île et plus à l'intérieur de l'île et peut-être faisait partie de l'ordre des décurions, la famille ayant exercé des charges administratives dans la cité de Syracuse. Ils étaient peut-être aussi devenus chrétiens bénéficiant de la Petite Paix de l'Eglise (260-303).

     

    Lucie a probablement vu le jour dans une famille où elle n'était pas le seul enfant – sinon ses parents n'auraient pas accepté qu'elle rejoigne l'ordre des Vierges –, et vu son niveau social, a due bénéficier d'une très bonne éducation, probablement donné par un percepteur, afin de lui assurer un bon mariage et aussi lui permettre de gérer des biens - vu que les romaines hérités -, une maison, bien que les femmes aisées n'aient pas besoin de travailler - les esclaves s'en chargeait, celles-ci ne s'occupant que d'élever les enfants et de broder le textile - afin de devenir une bonne matrone. Elle parlait sans doute le grec, la langue de l'île, et le latin, la langue de l'empire.

     

     

    Après une catéchèse qui durait à peu près 2 voir 3 ans, elle reçut probablement le baptême adulte, tel que c'était la pratique jusqu'à fin du IVe siècle-début Ve siècle. Elle fit peut-être, suite à un vœu et non pour guérir les yeux de sa mère malade comme l'affirme sa Passio, le pèlerinage jusqu'au lieu du supplice d'Agathe de Catane – là où fut élevé son martyrium à la fin du Ve siècle ? En 301 comme dans sa Passio ? Ou plus tôt ? La deuxième solution doit être privilégiée et expliquerait pourquoi elle était accompagnée par des membres de sa famille, dont sa mère Eutychia. C'est alors qu'elle aurait rompu avec sa famille – raison pour laquelle on n'en entendu plus parler dans sa Passio et qu'elle n'intervient pas dans son procès – et s'engagea dans une vie chaste si ce n'est ascétique, dans le jeûne, la prière et la lecture de la Bible, donnant ainsi sa fortune aux pauvres (humiliores, faibles) – Petit guide pour la Sainte Lucie !comportement très proches des autres martyrs chrétiens en Italie, en Espagne et en Afrique, la grande persécution de Dioclétien (303-311).

     

    Elle le fit soit d'une manière isolée, ce qui est peu probable vu que l'érémitisme n'apparaît réellement qu'à la fin du IIIe siècle en Syrie-Palestine, soit dans un groupe de femmes, ce qui est plus authentique vu l'insistance dans sa Passio sur sa virginité. En effet, il est possible qu'ait est intégrée l'ordre des vierges, qui adoptent une vie d'ascétisme et de chasteté se basant sur l'enseignement évangélique, mais sans s'isoler du reste du monde. Cet ordre fut particulièrement revendicatif et eut un rôle très important dans les communautés chrétiennes. Ce fut probablement le cas de Lucie tel que le montre son procès à Syracuse. Était-elle fiancée ? C'est possible mais il est envisageable que ces fiançailles supposées aient été créés par l'auteur de sa Passio afin d'évoquer les ruptures de fiançailles et de mariages qui eurent lieu dans les élites greco-romaines au IVe siècle du fait du Christianisme.

     

     

     

    Lucie aurait probablement vécut tranquillement sa vie avec ses consœurs vierges, très intégrées dans la vie de la communauté chrétienne et de la cité de Syracuse, sans le démarrage de la grande persécution de Dioclétien avec les quatre édits de février 303 à janvier-février 304 afin de rétablir l'ordre moral et les valeurs traditionnelles que les disciples du Christ perturbaient et contestaient. En Occident, c'est l'autre Auguste Maximien qui est chargé de l'appliquer en Italie et en Espagne. Petit guide pour la Sainte Lucie !Les autorités locales mettent alors en place ces édits, notamment le quatrième qui, entre janvier et février 304, impose aux chrétiens dans chaque ville de sacrifier aux idoles, les récalcitrants sont exécutés ou condamnés aux travaux forcés dans les mines. Si bien qu'en Italie, comme en Afrique, ont mit en place des «journées de sacrifice d'encens».

     

    Á cette occasion, certains chrétiens de Sicile semblent avoir été extrêmement exaltés ainsi qu'en témoigne les Passio de Lucie et d'Euplus de Catane, recueilli également par les Actes des martyrs, allant peut-être jusqu'à la provocation comme  ce fut le cas pour Crispine de Thagura en Afrique. Lucie a ainsi pu confesser sa foi de manière très provocatrice pour les autorités en refusant le sacrifice, en voulant empêcher ou interrompre la célébration d'un sacrifice, en détruisant une idole, en assaillant le gouverneur – très présent dans cette Passio –, en déchirant l'édit impérial, ou en jetant les tablettes sur lesquelles étaient les noms de chrétiens. On utilisa peut-être la torture (flagellation, écorchement) pour la faire céder les récalcitrants comme les autres récalcitrants, mais, fut finalement condamnée, du fait de sa conviction, pour cette opposition ouverte à l'édit sans d'ailleurs qu'elle ne fit preuve d'aucune résistance.

     

    Petit guide pour la Sainte Lucie !Le jeune martyr volontaire Euplos fut  lui aussi exécuté aussi à Catane pour avoir refusé de remettre des livres le 12 août 304, l'exécution de Lucie aura lieu le 12 décembre de la même année. Les choses se calmèrent en 305 avec l'abdication de son titre d'auguste de Maximien.

     

     

     

    Mais, sans le savoir, ce dernier allait être faire naître un culte promis à un grand avenir qui de Syracuse, dont elle devint la patronne, se répandra à Rome vers le VIe siècle (vers 521-532, groupe des vierges martyres, à Sant'Apollinare Nuovo de Ravenne), puis, dans toute l'Italie au VIIe-VIIIe siècle, en Grande-Bretagne (deux églises à son nom dès le VIIIe siècle) puis dans tout l'Occident suite à la découverte de ses reliques lors du sac de Constantinople par les Vénitiens en 1204.

    C’est probablement parce qu’elle était invoquée contre les maladies des yeux à Syracuse – ce qui est le cas aussi en Corse – qu’elle sera très vite associée par son nom et sa légende tardive qui sera largement diffusée dans La Légende Dorée (1261-1266) de Jacques de Voragine, à des cérémonies importantes probablement à partir du XIIIe siècle, qui à l'époque du calendrier julien se déroulait lors du solstice d'hiver, d'où le côté fête de la lumière qu'elle prit et qu'elle a encore avec notamment des processions illuminés la nuit de la Sainte Lucie. Petit guide pour la Sainte Lucie !Mais ce n’est qu’à partir du XIVe siècle qu’elle commence à être représentée portant ses yeux sur une coupe ou un plateau, en référence à sa légende popularisée au XIIIe siècle, qui veut qu’on les lui ait arrachés lors de son supplice, ou qu’elle se les soit elle-même arrachés pour les offrir à son prétendant.

     

    Contrairement aux pays scandinaves, en France, les célébrations de la martyre de Syracuse ont quasiment disparu, à part en Corse – la proximité de la Sicile y a été pour beaucoup d'un point de vue historique et l’on y porte, pour éloigner le mauvais sort, l’œil de sainte Lucie, un pendentif formé par l’opercule d’un coquillage –, et à Montbelliard, où a lieu en son honneur tous les 13 décembre le défilé des lumières. Mais, les formes anciennes de son culte ont quasiment disparu sauf peut-être en Alsace où certaines pratiques proches de celles que l'on trouve dans l'espace méditerranéen et en particulier, en Italie, se sont maintenus, mais lors de la Saint Nicolas, le 6 décembre.

     

     

     

    En effet, auparavant, les français fêtaient la Sainte Lucie le 24 décembre, ce qui explique le fameux dicton français : « Á la sainte-Luce, le jour avance du saut d'une puce », car c'était ce jour-là que le soleil se couchait le plus tard à l'hémisphère nord. La célébration de la martyre semble avoir déjà cours dans les provinces du Saint Empire Romain Germanique lorsque Sigebert de Gembloux lui consacre à la moitié du IXe siècle une passion, pour soutenir son culte à Metz, en Lorraine, voisine de l'Alsace. Petit guide pour la Sainte Lucie !Comme pour la Sainte Barbe, la Sainte Lucie a probablement été ramené d'Italie par la dynastie ottonienne. En Alsace, la fête commençait même, comme dans le nord-est de l'Italie, la nuit du 23 car Lucie semble y être devenue à partir du XV-XVIe siècle, comme Sainte Barbe et saint Nicolas, une sainte donatrice, c'est-à-dire qu'elle offrait des cadeaux aux enfants sages et du charbon à ceux qui ne l'avaient pas été. Tout cela dans la nuit du 23 au 24 où avait lieu sa fête. Les enfants lui laissaient en échange et pour la remercier quelque chose à manger, ainsi que pour son âne volant, mais ils ne devaient pas voir la sainte sous peine de recevoir des cendres dans les yeux.

     

     

    Mais avec la mise en place du calendrier grégorien (1582), la fête a été déplacée le 13 décembre, ce qui lui a fait perdre son importance, sauf dans les pays scandinaves, où la fête libéré de sa coque catholique a pu se développer à partir du XVIIIe siècle. Par contre, Sainte Lucie subit alors dans le monde catholique la concurrence les 8 décembre de la fête de l'Immaculée Conception, promu par les papes entre 1602 et 1708. Petit guide pour la Sainte Lucie !Ce qui fut précisément sa chance en Alsace, car au cours du XVIIIe siècle, Saint Nicolas se vit adjoindre des aides, le Père Fouettard ou Hans Trapp, qui offre les charbons maintenant, et le Christkindel, une femme vêtue de blanc et qui porte une chandelle, qui liste les bonnes actions de l'enfant et cherche à récompenser le plus d'enfant par rapport à son confrère. Son apparence démontre que face aux attaques de la Réforme Protestante et de la Contre-Réforme Catholique contre les saints donateurs au XVIe siècle, la culture populaire à récupérer la vierge martyre et l'a laïcisé pour le plus grand plaisir des enfants.

     

     

    Lors de cette fête, on organise aussi, comme dans les pays scandinaves, dans les villes et villages alsaciens des défilés aux lampions et des feux de joie, la lumière étant le fil conducteur des manifestations organisées pour l'occasion. Petit guide pour la Sainte Lucie !On raconte que Sainte-Lucie annonce alors aux démons de l'hiver la fin de leur règne et le retour du soleil qui vaincra les ténèbres. Insistant ainsi sur un des rôles anciens donné à la sainte et qui s'est perpétué en Sicile, en Hongrie et en Croatie, où l'on mange du blé bouilli ou on lui consacre la première gerbe de blé, car la sainte aurait sauvé Syracuse de la famine par un miracle, si bien qu'elle est devenu l'annonciatrice des bonnes moissons. Cela démontre une pratique ancienne qui a pu connaître un certain développement avec la mise en place des Mystères de Noël au XIIe siècle, les fêtes de l'Avent devant dorénavant rivaliser D'ailleurs, la fête reste, en Alsace, un des moments importants des festivités de Noël, peut-être aussi parce que le même jour est fêté sa sainte patronne, Sainte Odile.

     

     

     

    Je suis sur que cet article vous aura donné envie de fêter à votre tour le retour de la lumière lors de la Sainte Lucie. Alors pourquoi ne pas tenter chez vous l’année prochaine.

     

     

     

     


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